Article : https://www.vision.org/fr/dou-vient-largent-824
Alors que le contrôle de grandes quantités d’argent commence généralement au niveau des banques centrales, le processus réel de création d’argent a lieu dans des institutions financières, principalement des banques commerciales. Les banques créent de l’argent en « monétisant » (en convertissant en monnaie ou sous forme de chéquier) la promesse de remboursement d’un emprunteur. Supposons que vous demandez un prêt à une banque pour acheter une voiture. Une fois que le prêt est accordé, la banque inscrit le montant sur votre compte à partir duquel vous pouvez désormais faire un chèque pour régler votre nouvelle voiture. Le contrat que vous signez lorsque vous faites le nécessaire pour le prêt est essentiellement une reconnaissance de dette vous obligeant à effectuer des paiements jusqu’à ce que le prêt soit remboursé. De façon similaire, les gouvernements utilisent leurs systèmes de banque centrale pour créer de l’argent par la dette. La réalité est que soit par les gouvernements soit par des institutions financières, la plus grande partie du nouvel argent est littéralement créé par la dette. Les gouvernements fixent des limites sur ces créations de nouvelle monnaie en imposant aux banques de constituer des réserves obligatoires. Sans ces réserves obligatoires, les banques pourraient augmenter leur actif tout simplement en augmentant les prêts et les investissements, à condition de garder assez d’espèces à disposition pour que les titulaires d’un dépôt puissent convertir en espèces les montants qu’ils souhaitent (qui sont toujours censés être inférieurs au montant total de monnaie scripturale dans la banque). Les prêts représentent un passif pour l’emprunteur mais un actif pour l’institution qui accorde les prêts.
C’est ce que l’on appelle le « système de réserves fractionnaires ». Ce système a pris naissance il y a des centaines d’années, à l’époque où les orfèvres, moyennant des frais, stockaient dans leur chambre forte l’or des gens et délivraient un reçu au déposant. Ensuite, pour régler des affaires, le reçu de dépôt était converti en or ou en pièces. Très rapidement, les vendeurs et les acheteurs ont compris qu’il était plus facile d’utiliser tout simplement les reçus de dépôt, qui ont pris le nom de billets, comme mode de paiement. C’est ainsi que les billets ont été acceptés comme de la monnaie.
Les orfèvres se sont transformés en banquiers en commençant à accorder des prêts à intérêt, pas par rapport à l’or réel présent dans leurs salles de coffres, mais plutôt par rapport à sa valeur. Les orfèvres devenus banquiers ont alors vite réalisé qu’il était possible d’émettre plus de billets que l’or ou les pièces dont ils disposaient, parce que seule une partie des billets en circulation serait présentée à un moment donné pour être changés en or ou en pièces. Il fallait seulement garder à disposition assez d’or pour convertir les billets présentés. Si un banquier n’avait pas assez d’or pour convertir les billets qu’il avait émis, il était alors en défaut de paiement et en faillite.
Ce qu’il faut bien comprendre dans cette histoire, c’est que ces banquiers créaient de l’argent et exigeaient des intérêts à partir de quelque chose qui n’existait pas. Il est évident que le montant d’argent créé comme dette par ces premiers banquiers et gouvernements nationaux dépassait la capacité de l’économie à rembourser la dette. Donc comme les données de Reinhart et Rogoff le montrent (voir article principal) ces défauts de paiement ont eu lieu fréquemment et très tôt dans l’histoire du système bancaire.
De nos jours, à part les innovations technologiques, la situation n’est pas vraiment différente. Lorsque nous déposons de l’argent à la banque, nous recevons un « billet numérique » sous forme d’entrée dans un registre électronique. Comme leurs prédécesseurs, les banquiers accordent aujourd’hui des prêts à intérêt, non pas par rapport aux dépôts mais par rapport à la valeur de ces dépôts. Les banquiers actuels doivent être aussi préparés à convertir sur demande la monnaie scripturale en espèces. Et il y a encore une chose qui n’a pas changé : les défaillances de banques, comme celles qui font chuter en ce moment les marchés du monde entier, existent encore et toujours.
Donc quelle est la capacité de création monétaire des banques à partir de la monnaie scripturale ? Le taux de réserves obligatoires (10 % aux États-Unis, 2 % dans la zone euro, même si ces taux peuvent varier) et les réserves monétaires des banques définissent en général la limite maximale. Mais comme ces limites sont généralement fixées en tenant compte du rapport entre la nouvelle monnaie de crédit et la monnaie de crédit existant en banque, et qu’elles ne sont pas garanties par une matière première dure comme l’or ou l’argent, le montant total de monnaie qui peut être créé n’a (en théorie) qu’une seule limite : le niveau tolérable de la dette.